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De l'économie

Léandre Adam-Cuvillier

     Un de mes amls ne comprend pas pas qu’une analyse économique puisse déboucher sur une critique de l’économie. Et encore moins de faire le procès du régime représentatif en se présentant à une élection ! Dans la lignée de Guy Debord (La société du spectacle), il affirme qu' on ne saurait combattre l’aliénation sous des formes aliénées.

     Or, ce qui me singularise c'est qu'il n'existe pas de principe premier ni de prérequis à l'organisation humaine. C'est mon interprétation du "Ni dieu ni maître".

    L’économie s’est longtemps donnée comme la science de la production des conditions d’existence à l’échelle du corps social. Aujourd’hui, alors que son influence est massive et pressante comme elle ne l’a jamais été auparavant, force est de constater qu’en fait l'économisme ne théorise que l’enrichissement des uns et la paupérisation des autres, et qu’elle n’a jamais théorisé rien d’autre.

    Son caractère non scientifique est patent, puisque, si elle exprime le maximum de rationalité de la faction des puissants, elle suppose le maximum d’irrationalité de la société tout entière. Non seulement l’économie ne s’est jamais souciée des conditions de vie des peuples (voir le paysage de la société industrielle), mais encore elle ne se soucie désormais même plus des conditions de survie de l’espèce. L’économie a toujours évacué le vivant de ses comptes d’arrière-boutique. Et c’est ainsi que ses doctes injonctions mènent allégrement tout le monde droit dans le mur.

   Les porte-parole étatiques et gouvernementaux des différents groupes d’intérêt qui mènent cette danse macabre ne s’embarrassent du reste même plus des mensonges justificatifs d’inspiration religieuse ou philosophique qui naguère visaient à justifier leurs exactions : ce que montre l’insolence inouïe d’un Hollande vis-à-vis des « sans-dents » ou celle d’un Macron concernant les « assistés », c’est qu’ il leur est désormais superflu de se poser en détenteurs du bien commun.

     Quant aux médias, qui s’activent à porter ce discours dans chaque strate de la société, ils apportent quotidiennement la preuve que l’économie a pour seul contenu le constat d’un rapport de domination sociale solidement établi et d’une extrême violence, pour seule force de conviction la profession de foi de ceux qui s’en font les hérauts, pour seul appui la crédulité de ceux qui les écoutent.

   C’est en conséquence un travail de démystification qui s’impose à la critique. Il faut montrer combien le roi est nu – et criminel.

    De même qu’il y a un roman familial qui permet au névrosé de pallier ses intimes frustrations, et un roman national qui unifie dans une histoire hallucinée les lambeaux épars d’une nation chimérique, il existe un roman économique qui impose la domination du commerce sur le monde comme une loi naturelle et comme le principe de toute civilisation.

     Comme le roman familial et le roman national, le roman économique est une abstraction, une totale vacuité, mais qui, sans guère se soucier de la vérité (en tant que conformité aux faits), s’est élaborée à partir de phénomènes concrètement humains mais parcellaires et historiques. Cette bulle chimérique a progressivement perverti la réalité concrète et s’est substituée à elle.

     Cette perversion se manifeste dans le règne de la valeur et de la pure quantité, et dans le désintéressement le plus absolue du contenu de ce règne. Dans le fait que la vie et ses nécessités propres sont ravalées au rang de phénomènes contingents, voire superflus et importuns. Avec l’avènement du mercantilisme, l’humanité est entrée, pour reprendre les termes de Feuerbach, dans un « temps [...] qui préfère l’image à la chose, la copie à l’original, la représentation à la réalité, l’apparence à l’être [...] ; car ce qui sacré pour lui, ce n’est que l’illusion, mais ce qui est profane, c’est la vérité. Mieux, le sacré grandit à ses yeux à mesure que décroît la vérité et que l’illusion croît, si bien que le comble de l’illusion est aussi pour lui le comble du sacré » (L’Essence du christianisme, p.108).

  Ces considérations expliquent partiellement mon adhésion aux Économistes Atterrés depuis la création de ce collectif, après avoir été signataire de notre premier manifeste.