Mastodongoogle-site-verification: googlea412d30aadafcf4a.htmlhead>

Enfoirés de notre espèce

Noémie, Léandre et Aglaé Adam-Cuvillier

Du point de vue des migrants, tout au long des routes semées d’embûches les menant d’un pays à l’autre, le devoir d’hospitalité ne saurait durablement faire office de sauf-conduit. Seul un droit à l’hospitalité dans un cadre cosmopolitique serait en mesure de répondre aux impasses de politiques migratoires discrétionnaires et aux errements criminels de marchandages diplomatiques. Passer du devoir des uns au droit des autres consisterait à transposer l’idéal d’hospitalité universelle, au nom duquel se mobilisent un nombre croissant de citoyens, en règle de droit posant que tout étranger a le droit de ne pas être traité en ennemi, selon les mots de Kant, et s’imposant comme “droit opposable” à l’échelon national […]. Michel Agier, L’étranger qui vient. Repenser l’hospitalité (2018)


    En taxonomie, l'espèce se définit comme un ensemble d'êtres vivants :

– susceptibles d’échanger du matériel génétique,
– et produisant des descendants eux-mêmes féconds.

   Il est donc légitime de parler d’espèce humaine, puisque les humains, quelle que soit la nuance colorée de leur épiderme, leur origine géographique, la diversité de leur faciès ou le contenu de leur compte en banque, ont tous, sans exception, la faculté de se reproduire entre eux.

    La notion de race humaine, quant à elle, a été introduite au siècle des Lumières, celui-là même qui a découvert les vertus du libéralisme, pour opérer des classifications hiérarchiques internes à l’espèce selon des critères morphologiques et/ou culturels.

   Scientifiquement, la notion de race appliquée à l’humain est une absurdité. Les recherches l’ont démontré depuis le milieu du XXe siècle : elle ne correspond à aucune loi sélective naturelle. 

    En effet, l’espèce humaine se définit par une conformité génétique supérieure à 99,7 %, et elle n’admet pas la moindre subdivision. Parmi les hommes, une seule différence biologique est attestée, elle n’est attribuable qu’aux 8 groupes sanguins : 0, A, B, AB (positif et négatif). Un homme et une femme de couleur différente mais de même groupe sanguin sont donc plus proches (et compatibles) que deux hommes de même couleur mais de groupe sanguin différent. On comprend ainsi qu’il soit fondé d’éprouver plus d’affinités pour un immigré bloqué à Calais que pour un Macron qui débloque à Paris.

   Le terme de race est donc désormais réservé à la description des espèces et sous-espèces du monde animal en général.

  Mais si la notion de race humaine est scientifiquement irrationnelle, elle est idéologiquement fort active. S’il n’y a de race nulle part, on rencontre des racistes partout. 

   Le racisme est d’abord un produit de la colonisation du reste du monde par l’Occident. La race supérieure des vainqueurs suppose logiquement les races inférieures des vaincus. Le racisme est ici un jugement politique arbitraire. Il vise à exprimer et à justifier un rapport de force entre différents groupes humains. 

    Mais c’est aussi le résultat de la colonisation des peuples occidentaux eux-mêmes. Tout au long de leur histoire, ces derniers ont été vidés de leur être propre et de leur culture. Ils l’ont été par la violence et par le poids de la religion et de l’idéologie de leurs maîtres. L’homme occidental n’est plus rien que sa soumission à un ordre suicidaire ; tout lui est hostile et le menace. Le racisme relève alors du repli frileux sur une image identitaire vidée de tout contenu. Plus encore que la peur de l’autre, il exprime le malheur de n’être jamais soi, et l’angoisse propre à cette aliénation.

    Il faut se faire une raison : il n’existe pas d’ « enfoirés de leur race », il n’y a que des enfoirés de notre espèce.